I - Introduction

Dès que le régime de Vichy et, pour la partie du territoire français occupé, les autorités hitlériennes eurent établi et assuré leur domination, ils prirent le contróle des moyens d'information et de diffusion de la culture : émetteurs radio, journaux, périodiques, maisons d'édition, théâtres, cinémas devinrent les instruments par lesquels, les uns et les autres, avec quelques nuances, s'efforcèrent de propager leurs idéologies et de répandre leurs propagandes. Toute activité de diffusion de l'information ou d'expression de la pensée qui n'acceptait ni les directives ni le contròle ainsi imposés fut proscrite. Les bibliothèques, les rayons de librairies et les catalogues d'éditeurs furent expurgés des oeuvres et des auteurs mis à l'index (voir le document 1, la ”Liste Otto”).

Si aucune initiative clandestine n'avait été prise en France même, les seuls moyens de contrebattre cette propagande, de contredire ces idéologies et, plus généralement, d'informer auraient été les tracts parachutés, ici ou là, de temps à autre, par la Royal Air Force et l’U.S. Air Force et, surtout, les émissions diffusées depuis l'étranger : radio suisse (Emetteur de Sottens), radio britannique et radio soviétique. Mais l'interdiction formelle, assortie de la menace de graves sanctions, d'écouter les radios "étrangères", le brouillage lancinant des émetteurs britannique et soviétique et la rareté des postes récepteurs limitèrent, surtout au début de la période d'occupation, l'audience de ces sources d’information. Par la suite, l'"écoute de Londres" - Emissions de la B.B.C. ou de la France Libre - se généralisa.

Mais, très tôt, dans les jours qui suivirent l'armistice (22 juin 1940), sur le territoire national même, des personnes isolées, des partis politiques clandestins, des groupes de résistance en formation éprouvèrent le besoin de s'exprimer, de crier leur indignation ou, tout simplement, dans l'incapacité momentanée d'agir d'autre façon contre l'occupant et contre Vichy, ils trouvèrent là le moyen de "faire quelque chose". Graffiti tracés sur les murs et sur les routes, à la peinture ou à la craie, manuscrits, expédiés anonymement par la poste et aux destinataires desquels il était demandé de les reproduire pour les diffuser, à deux ou trois exemplaires et de devenir ainsi le maillon d'une chaîne, tracts et périodiques (journaux et brochures) glissés la nuit sous les portes, éparpillés dans les lieux passants ou distribués à la sauvette à la sortie des usines ou dans les files d’attente qui s'étiraient à la porte des commerçants, livres mêmes distribués des mêmes façons ou expédiés clandestinement à l'étranger pour attester la permanence de la culture française... La Résistance prenait la parole.

Le présent dossier se propose d’évoquer cette activité clandestine et de présenter des documents pour l'étude. II ne prétend ni constituer un catalogue exhaustif des publications illégales ni, à fortiori, être une histoire de ce type d'activité résistante.

Quelques unes des pièces reproduites proviennent de collections particulières, d'autres ont été mises à notre disposition par la Bibliothèque Nationale (Département des Imprimés et Département des Pédiodiques), par la Bibliothèque Municipale de Dijon, par les Archives Départementales de la Côte d'Or, par les Archives Municipales de Nuits-Saints-Georges et surtout par le Centre Départemental de Documentation sur la Résistance et la Déportation de Dijon ; la plus grande partie de ces dernières proviennent des fonds Cadoux et Fagard.

La présentation a été organisé en dehors de toutes considérations chronologiques - d'ailleurs, certaines pièces n'ont pu être datées avec certitude -, de façon à répondre à un certain nombre de questions qu'il nous parait possible de poser, concernant la presse clandestine sous l'occupation. Il va de soi que cette classification est arbitraire et il est possible d'utiliser les documents en suivant un tout autre ordre.

Il n'échappera à personne que les documents présentés ont été rédigés dans l'atmosphère passionnée propre à une époque ; ils relatent des faits dont la véracité n'a pas pu, le plus souvent, être contrôlée et qui sont parvenus à la connaissance du rédacteur au prix, parfois, de multiples déformations dues aux aléas de la clandestinité et, souvent, à l'enthousiasme ou à l'indignation des correspondants ; ils portent, à certaines occasions, des accusations, et des jugements que l'histoire n'a pas tous ratifiés et sur lesquels les rédacteurs, eux-mêmes, plus tard, mieux informés, ont pu revenir. C'est à dire qu'il en va de ces documents comme de tout document historique : ils doivent être abordés et utilisés avec un esprit critique qui n'exclut pas la sympathie envers les témoins qui se sont fait égorger.

Nota Bene 1 : Nous utiliserons le terme ”Presse” avec une acception plus large que celle que comporte l'usage habituel de ce terme  graffiti - que nous ne pourrons malheureusement pas envisager, compte-tenu de la fugacité des inscriptions - et manuscrits seront, pour nous, partie intëgrante de la ”Presse” clandestine.

Nota Bene 2 : Claudine Cadoux fut longtemps responsable des Comités Féminins du Front National (Côte d'Or) et, à ce titre, développa une inlassable activité de propagande ; Robert Fagard (pseudonyme Georges), fut le "T" (Technique) régional du Front National : il était chargé de la production des tracts et journaux. La richesse de ces deux fonds explique l'abondance des documents émanant du Front National.

Nota bene 3 : Certaines des personnes nommément incriminées n'ont, à la libération, fait l'objet d'aucune sanction judiciaire. Il n'en va pas de mêmes pour d'autres. La consultation des collections de journaux des années qui ont suivi la guerre permettrait, à ceux qui le désireraient, d'obtenir des renseignements complémentaires. Cependant le nom des "Commerçants Collaborateurs" (document 29 bis) a été dissmulé, certaines entreprises utilisant actuellement la même raison sociale.

II - Pourquoi une presse Clandestine ?

Choisir de s'exprimer librement entrainait l'acceptation de risques trés graves et impliquait de surmonter des difficultés sur lesquelles nous reviendrons (documents 49 à 65). Il fallait se procurer un matériel rare, contingenté et placé sous contrôle policier, trouver des fonds, des locaux sûrs, recruter des rédacteurs, des illustrateurs, des imprimeurs, des transporteurs et des distributeurs clandestins ...

Nota bene 4 : Songeons aux indiscretions ou à la malveillance des voisins, intrigués ou inquiétés par les allées et venues suspectes et surtout par le bruit des machines à écrire, des ronéo, sans parler de celui des imprimeries ...

Cependant, malgré ces difficultés et ces risques, malgré les pertes trés lourdes qui décimerent bien des équipes, les publications se multiplièrent.

A quel besoin répondaient-elles ? Pourquoi des personnes décidèrent-elles de se lancer dans l'aventure dangereuse de la presse clandestine ?

Nous avons déjà remarqué que certains se livrèrent à cette activité dans l'impossi­bilité où ils se trouvèrent, au debut surtout de la période d'occupation, d'agir d'autre façon : la présence allemande, en zone occupée, fut, jusqu'au début de la guerre contre l'U.R.S.S., trés importante ; par ailleurs, la situation militaire n'encourageait pas à entreprendre des actions de guerilla prematurées.

Pour d'autres personnes, qui n'étaient pas toutes des professionnelles de la presse, ce mode d'action fut choisi de propos déliberé. Pourquoi ?

A) Il était nécessaire, d'abord, de ne pas laisser s'établir le contrôle des pensées souhaité par l'ennemi et par Vichy et de répondre à leur propagande. Les documents 1, 2, 3 et 4 présentent rapidement quelques aspects de cette propagande. On pourra utilement se reporter à "Les Perles Noires" (op. cit.) et aux collections de journaux de la collaboration conservées dans certaines bibliothèques (voir aussi document 65).

Document 1, 1 bis et 1 ter : La ''Liste Otto'', index des ouvrages et auteurs interdits. Elle fut établie au début de l'automne 1940 par les services de Otto Abetz (nommé ambassadeur de Hitler à Paris le 8 août 1940). Le Syndicat des Editeurs accepta de le contresi­gner (document 1 bis).

Cette liste connut trois éditions (1940, 1942 et 1943). L'avertissement des seconde et troisième éditions est singulièrement plus prudent que le préambule de 1940 (docu­ment 1 bis). Parmi les ouvrages interdits, la traduction française de ''Mein Kampf'' d'Adolf Hitler.

Document 2, 2 bis et 2 ter : Extraits d'une brochure de propagande allemande ''Lettre à Madame Jean Meunier'' incitant les ouvriers français à partir travailler en Allemagne d'où ils pourront envoyer des mandats substanciels à leur famille dans la misère.

Document 3 : Reproduction d'une affiche de Vichy présentant les Résistants comme des assassins à la solde de l'étranger.

Document 4 : Recto d'un Témoignage de Satisfaction destiné aux enfants des écoles et qui présente une image rassurante d'un débonnaire Maréchal Pétain sur son cheval blanc. Quel contraste avec le document 3 !

B) En partie pour répondre aux accusations mais aussi pour convaincre les hésitants, la presse clandestine doit définir les Résistants.

Document 5 : ''Qui sommes-nous ?'', article extrait d'un journal du Front National ''La Bourgogne Combattante, édition de Beaune'' (daté d'août 1943).

C) Elle devait dévoiler les exactions de l'ennemi, exactions gardées secrètes ou présentées de façon partiale.                                  

Document 6  :  Article extrait du ''Médecin Français'' (Front National) N° 23, mai 1944. Cet article renferme des erreurs et des omissions (Pont de Pavy au lieu de Pont de Pany, Werner n'était pas Général mais Major, le docteur Quignard avait aussi soigné le Major Werner blessé ... ).

Nota bene 5 : Un article de l'Humanité (du 15.02.44) situe la même action à Pontailler-sur-Saône mais attribue également à Werner le grade de Général.

Document 7 : Tract édité par ''Le Franc Tireur'' en août 1942 ''Contre l'im­monde persécution'' dénonçant le racisme (''Grande Rafle du Vel d'Hiv'' du 16 juillet 1942).

Voir aussi les documents 25, 29, 37, 42 ...

D) Elle devait appeler à l'action pour l'amélioration du ravitaillement et pour la protection des vieillards et des enfants particulièrement menacés par la famine et le froid (en prenant soin, la plus part du temps, de dénoncer la responsabilité des hitlériens et de l'ad­ministration vichyssoise).

Document 8 : Tract des Comités Féminins de la Côte d'Or ; le Technique a noté la date du tirage et son importance (voir documents 51 et 61).

Document 9 : Tract, même origine. Voir aussi les documents 16, 53, 56.

Document 10 : Tract du P.C.F.

E) Elle devait appeler à manifester, à saboter, à faire grêve, à préparer l'insurrection, à prendre les armes. Voir aussi les documents 10, 11, 12, 15, 16, 29, 48 ...

F) Elle devait souligner les motifs d'espérance. Voir documents 11, 12, 13, 14 

G) Pour galvaniser les énergies, elle se référa presque constamment aux grandes dates de l'histoire et aux traditions de lutte :

  • 11 novembre

Document 11 : Tract du F.P.J. diffusé en Côte d'Or (1943). Voir aussi document 36.

  • 1er mai

Document 12 : Humanité du 15.04.43.

  • Victoires révolutionnaires et napoléoniennes, Valmy notamment

Document 13 : L'Université Libre (15.06.44).

Document 14 : La Vie Ouvrière (C.G.T.) du 1.09.43. Voir aussi document 34.

  • Et surtout le 14 juillet !

Document 15  : Tract de 1942 (F.N. ?).

Document  16  :  Papillons à coller, saisis par la police de Vichy ; origine : Comités Féminins. Voir document 34.

H) Elle devait inciter les ouvriers et les jeunes requis à ne pas partir travailler en Allemagne, soit au titre de volontaires soit pour répondre aux réquisitions individuelles ou aux mesures instituant le travail obligatoire (S.T.O.). La réalité concentrationnaire donnera, à la fin de la guerre, aux termes déporté, déportation, un autre sens que celui que leur donna la presse clandestine lorsqu'elle incitait les requis à ne pas partir et à devenir ''réfractaires'' voire ''maquisards''. Voir documents 2, 10, 28, 30, 31 bis, 33, 38 ...

Nota bene 6 : Les décisions Les plus importantes concemant le Service du Travail Obligatoire datent du 16 février

I) L'efficacité de cette action est attestée non seulement par la hargne et la férocité de la répression mais aussi par les initiatives des propagandistes hitlériens qui sont conduits à diffuser de fausses publications, clandestines déstinées à effrayer la population.

Document 17 ''Justice'', faux périodique clandestin édité par les nazis ; on remarquera la mention à une prétendue ''nationalisation des femmes'' au Kouban (U.R.S.S.) et à l'influence grandissante des communistes à Alger : la conclusion est claire !

III - La Presse clandestine fut variée. Comment, techniquement, la presse clandestine se présentait-elle ? Quel était son ton ?

La presse clandestine fut si variée que la réponse à ces questions appelle quelques développements. Cette variété tient naturellement à la sensibilité  particulière, aux opinions et aux options philosophico-religieuses des éditeurs et des rédacteurs : par exemple, certains sont, manifestement et sans nuances, anti-allemands et n'introduisent que peu de différence entre Allemands nazis et anti-nazis (voir document 36) ; d'autres sont avant tout anti-hitlériens (voir document 43 qui associe étroitement ''Allemagne nazie et Vichy'') ce qui ne les empêche pas parfois, d'utiliser le terme injurieux de ''Boche'' lorsque la colère ou l'indignation les empor­te. Voir aussi document 12 et la différence qu'il relève entre ''peuple allemand'' et hitlériens.

Autre élément de variété : au cours de la période 1940-1944, en fonction des événements, de la structuration des organismes, la presse évolue.

La variété tient aussi au type de publications (tracts, périodiques, brochures, livres, papillons à afficher, graffiti ... ), au format du papier qui sert de support, au mode de reproduction.

Elle tient enfin à la langue employée (français ou langue étrangère) et à la maîtrise de la langue ou au talent de dessinateur (voir documents 52, 53, 55).

L'ensemble de cette présentation fournit des exemples de cette diversité.

A) La technique employée. Nous ne reviendrons pas sur la technique élémentaire des graffiti sinon pour rappeler l'éfficacité de la campagne des V de la victoire traces sur les murs à l'appel de radio Londres (mars 1941) : après que les menaces habituelles aient été diffusées par la presse  collaborationniste et que les autorités aient prescrit le contrôle de la craie dans les écoles, la propagande nazie est amenée à entreprendre sa propre campagne des V (comme ''Victoria'', titre d'un champ traditionnel des invincibles années germaniques). Ainsi les V pourront être attribués aux sympathisants nazis !

Nota bene 7 : Circulaire du 31 mars 1941 et note de service de la même date de l'Inspecteur d'Academie de la Cote d'Or faisant suite à un communiqué du Préfet.

Le manuscrit : c'est évidemment une autre technique élémentaire même si l'espoir du fonctionnement parfait d'une ''chaîne'' fait supputer la multiplication du document selon une progression géométrique.

Document 18 : Première page d'un manuscrit qui a abondamment circulé en France, dés 1940.

Les moyens plus sophistiqués étaient divers : pâte à polycopier - ou pierre humide  - qui ne permettait que de faibles tirages mais, contrairement aux  autres moyens de multiplication, fonctionnait en silence (voir document 49) ; ronéotage d'un texte manuscrit ou frappe à la machine (voir documents 19, 30 ...) ; imprimerie (voir exemples dans l'ensemble du dossier) qui supposait une organisation trés structurée ; linogravure (voir documents 58 et 59) qui permettait de reproduire dessins ou affichettes.

B) Le type de Tracts non périodiques à distribuer (voir document 15 ...  ), papillons à caller (voir documents 16, 55, 58, 59), journaux (voir documents 12, 13, 14, 19, 28, 29, 31, 34 à 47... ) sont les publications les plus fréquentes, mais d'autres types se rencontrent.

- Brochures    :

Document 20. Brochure occasionnelle éditée par le Parti Communiste (debut 1942).

Document 21. Brochure périodique ''Courrier Français du Témoignage Chrétien''.

Documents 22, 22 bis et 22 ter : Brochure de poésie (Titre : ''Chants des Francs-Tireurs'') éditées par les Comités Féminins (U.F.F.) et repro­duisant des poésies publiées par les Editions de Minuit (clandestines) ; page 3, la célèbre poésie d'Aragon, ''Ballade de celui qui chanta dans les supplices''.

Documents 23 et 23 bis : Brochure éditée par le P.C.F. reproduisant une nouvelle de Guy de Maupassant dont l'action se déroule pendant la guerre 1870-1871.

Documents 24 et 24 bis. Brochure ''Le Salut Public'' ; la page de garde, fallacieuse, était destinée à déjouer la surveillance policière.

- Livres édités clandestinement par les ''Editions de Minuit'' (une vingtai­ne) ; ceux qui étaient écrits par des écrivains contemporains vivant en France, portaient, à la place du nom de l'auteur, un pseudonyme (souvent un nom de région : Vercors, Auxois, Argonne, Forez, Vivarais ...  mais aussi François la Colère).

Documents 25, 25 bis et 25 ter : ''La Nuit d'Effroi'' de F. Nadot relatant le massacre d'Ascq (édité en mai 1944).

Document  26  :  ''La Marche à l'Etoile'' de Vercors dénonçant les persécutions raciales (édité en decembre 1943).

Nota bene 9 - Edité de la même façon, ''Le Silence de la Mer'' de Vercors connut immédiatement la notoriété.

Nota bene 10 - Parmi les auteurs publiés clandestinement : J. Paulhan, Ponge, Y. Desvignes, J. Benda,DEBU-Bridel, Bruller (Vercors), F. Mauriac, Aragon, P. Eluard, P. Seghers, Guillevic, L. Masson, P. Emmanuel, E. Thomas, Ch. Vildrac, J. Guehenno, G. Adam, C. Morgan, E. Triolet, J. Cassou, R. Desnos, M. Leiris, J. Lescure, Laporte, C. Aveline, P. Bost, John Steinbeck et d'autres ...

C) La langue employée. De nombreuses publications furent éditées en alsacien, basque, allemand, russe, polonais, catalan, espagnol, arabe, tchèque, italien, roumain, armenien... (liste établie d'après les titre recensés par le ''Catalogue des périodiques clandestins'' op. cit).

Document 27 et 27 bis : Tract en allemand et français, peut-etre édité en Autriche, distribué à Dijon, en septembre 41. Voir document 64.

IV - La Presse Clandestine Locale

Dans chaque ville, dans chaque département, des individus, plus souvent des équipes, se mirent au travail, tirant tracts occasionnels inspirés par des faits précis ou périodi­ques limités à quelques numéros, rarement plus d'une dizaine. Il est parfois délicat de distinguer entre publications nationales et publications locales : certains journaux nationaux, ne parve­nant qu'en un trop petit nombre d'exemplaires, étaient réédités localement avec leur titre original, parfois avec des coupures ou des ajouts (voir document 57) ; certains articles de jour­naux clandestins nationaux étaient reproduits sous forme de tract (voir documents 39, 54, 54 bis).

Les documents présentés furent édités en Cote d'Or.

Documents 28 et 28 bis : ''Espoir'' fut édité par une équipe dirigée par Jean Bouhey (futur Commissaire de la République), qui avait publié un journal, disparu en 1940 ''La Bourgogne Républicaine''. "Espoir'' était imprimé à Beaune (voir document 60). Parmi plusieurs publications portant le même titre, le ''Catalogue des Périodiques Clandestins'' signale un ''Espoir'' qui proclame lui aussi, en exergue ''Combat le Mensonge, Organise la Résistance, Prépare la Libération'' mais en attribue la direction à Jean Nocher et en situe la publication à Saint-Etienne. Il s'agit certainement d'une confusion.

Documents 29 et 29 bis : ''La Bourgogne Combattante'', qui parut tantôt ronéotypée tantôt imprimées, organe du Front National. A propos d'Alexandre Truchot (''Gloire immortelle à nos Martyrs'') voir document 66.

Documents 30 et 30 bis : Tract ronéotypé édité en Cote d'Or par le Front Patriotique de la Jeunesse (hiver 1943-1944 ?).

Documents 31 et 31 bis  :  ''La Voix de la Bourgogne'' périodique du P.C.F. Les quatre normaliens dont il est fait mention (au lieu de Schleinberger, il convient de lire Schelnenberger) et de la mémoire desquels on ne saurait séparer Creux, qui partagea leur destin, fusillés comme otages le 7 mars 1942 avaient été arretés par la Police de Vichy, pour distribution de tracts, et remis aux Allemands.

Document 32 : ''Le Fascisme contre l'Intelligence'', tract édité par le P.C.F. Là aussi, le nom de Schelnenberger est mal orthographié.

Document 33 : '' A bas la Déportation'', tract édité par le Front National (hiver 1943-1944 ?). Au sujet du sens du terme ''Déportation'' se reporter à la remarque présentée par la rubrique H de ''Pourquoi une presse clandestine ?'' ; ici le terme déportation est appli­qué au départ en Allemagne dans le cadre du S.T.O.

Concernant la presse locale, voir aussi les documents 5, 8, 9, 10, 11, 15, 16, 19.

V - La Presse Clandestine Nationale

Avec les livres publiés par les ''Editions de Minuit'', avec les brochures et avec un certain nombre d'autres documents, nous avons déjà été en présence de publications natio­nales. Celles qui vont suivre présentent un échantillonnage des principales publications (voir document 52 bis). Le ''Catalogue des Périodiques Clandestins'' permet d'appréhender l'ensemble ou presque de la production périodique clandestine, surtout de la production nationale.

Document 34 : ''Le Populaire'' du 15.07.42.

Document 35 : ''L'Etudiant Patriote'' de mai 1944.

Document 36 : ''Défense de la France'' du 11.11.43.

Document 37 : ''Témoignage Chrétien'' de juin 1944.

Document 38 : ''L'Avant-Garde'' de septembre 1943.

Document 39 : ''L'Humanité'' du 15.07.43 avec des notes du Technique du F.N. (R. Fagard) : deux articles étaient destinés a être reproduits localement à 2 000 exemplaires ; des termes de métier, écrits au crayon certainement à l'intention d'un ''aide imprimeur'' dont le Technique assure la formation.

Documents 40 et 40 bis : ''La Vie Ouvrière'' du 5.04.44 : il s'agit de deux tirages du même numéro effectués dans des ateliers clandestins différents ; à la suite de quelle difficulté ?

Document 41 : ''Les Lettres Françaises'' d'octobre 1943.

Document 42  : ''Le Patriote'' de mai 1944.

Nota bene 11 - Concernant ''Les Lettres Françaises'' on pourra consulter ''La Résistance Intellectuelle'', textes et témoi­gnages réunis et presentés par J.Debu-Bridel (Julliard).

Document 43 : ''Résistance'' du 17.07.43.

Document 44 : ''Combat'' du 15.04.43.

Document 45 : ''L'Ecole Laïque'' de mars 1944.

Document 46 : ''Le Franc-Tireur'' d'avril 1942.

Document 47 : ''France d'Abord'' du 3.11.43.

Document 48 : Tract ''Appel à la Jeunesse de France''.

VI - Les Difficultés

Quelles furent les difficultés rencontrées par les Résistants dans ce domaine d'action ?

Même si l'on met à part celles qui tiennent à la répression - elles seront envisagées plus loin - elles furent nombreuses et les tâches assumées par les plus compétents, écrasantes. Les documents suivants évoquent quelques unes de ses difficultés et les solutions qui furent improvisées ; ils évoquent également la fatigue des militants.

Document 49 : Circulaire indiquant un moyen pour remédier au manque de matériel : recette pour fabriquer avec ''les moyens du bord'', pâte et encre à polycopier. Remarquons qu'une autorisation préfèctorale était nécessaire pour se procurer un matériel alors si courant ce qui laisse supposer les difficultés quasi-insurmontables pour acquérir légalement machine à écrire, ronéo, matériel d'imprimerie. Voir document 52.

Document 50 : Le ''Technique'' Georges (R. Fagard), homme méticuleux, établit un état du précieux matériel que l'organisation lui a confié.

Document 51 : Rapport du même : il rend compte de son activité, (voir document 8), il expose ses problèmes de papier (Trêfle et Pierre sont des pseudonymes).

Document 52 et 52 bis : Pages 3 et 4 d'un bulletin intérieur d'information : ''Les bons rédacteurs sont légions ... " mais il faut stimuler les énergies ; liste de publications clandestines.

Document 53 : Conseils aux rédacteurs : ''Les bons rédacteurs sont légions..." mais il faut les aider car tous ne sont pas compétents. Origine : les Comites Féminins ''Propa­gande et Action Féminines''.

Documents 54 et 54 bis : ''Les bons rédacteurs sont légions... " mais pourquoi ne pas reprendre un article intéressant en l'illustrant ? Tract tiré d'un journal clandestin par le Technique R. Fagard.

Document 55 : Encore des conseils aux rédacteurs, aux illustrateurs et aux colleurs d'affichettes. Origine : les Comités Féminins.

Document  56 : Les conseils ont été suivis : tract des Comités Féminins illustre à l'aide d'un dessin emprunté à un livre de lecture (voir document 55).

Document 57 : ''L'Humanité'' locale illustrée à l'aide d'un dessin publicitaire emprunte à une marque de lait concentré.

Documents 58 et 59 : Il est parfois, heureusement inutile d'avoir recours à des illustrateurs improvisés : des artistes se mettent au travail. Deux linogravures du peintre Andre Claudot  - 58  : Affameur F.N. - 59  : Streckt Die Waffen Front National.

Document 60 : Les hommes à la peine : à son retour de Déportation, devant la presse qu'il utilisa clandestinement, l'imprimeur de ''L'Espoir''.

Document 61 : Les hommes à la peine : un des derniers rapports du ''Technique'' Georges. La mauvaise qualité du document ne permet pas la lecture de sa repro­duction : en voici la teneur  :

''Rapport de Georges Technique Politique Regional'' - Aout 1944

Au cours de·ce mois 29,550 tirages ont été effectués. 29 frappes et gravures de stencils. La presse à imprimer est installée. Je suis en train d'installer le matériel de composi­tion. Ce dernier est dans un état lamentable ayant été malmené au cours des diverses manuten­tions. Les caractères sont mélangés et la mise en case demande un certain temps. D'autre part, il me manque une foule de choses : filets, interlignes, lingots, serrages. J'essaierai de me procurer tout cela dans une imprimerie de la place ou j'ai mes entrées. La machine a besoin d'être remise en état. Les camarades ne se rendent certainement pas compte de la somme de travail que représente l'installation d'une imprimerie, si petite soit-elle, d'ailleurs, j'ai beaucoup de travail au duplicateur pour l'instant. Si possible, réduisez ce dernier afin que je puisse installer définitivement l'imprimerie ceci assez rapidement. Le camarade chargé de m'aider ne peut pas m'être d'un grand recours actuellement, n'étant pas du métier, celui-ci réclamant 5 ans d'appren­tissage au minimum et je n'ai guère le temps de le mettre au courant de la machine à écrire et du duplicateur. Si le travail n'est pas trop pressé et s'il m'est possible de trouver du matériel complémentaire, j'espère pouvoir faire fonctionner l'imprimerie dans une huitaine de jours.

Détail du travail de ce mois :

1er : 100 tracts allemands

2 : 1000 Résolutions du C.D.L. 41-13/1-2 rect.-verso

3 : 15000 Mobilisation Générale 21-13/1-2

4 : 500 Le devoir de l'heure 21-13/1-2

5 : 500 Affiches Résolution du C.D.L. 21/27

6 et 7 : 3000 Tracts le 27 août 1944 ; Journée de Solidarité rect.-verso

8 au 12 : 6000 Tracts le 17 août 1944 - 21/27 - 4 sten.

13 et 14 : 1000 Affiches 27 août (mitraillette) 21/27 - recto-verso

15 : 1000 Voix des femmes 21/27 - recto-verso

16 : Réparation duplicateur

17 : 2000 Tracts ''Avis'' - 21/13-1/2

18 : 45 exemplaires Bulletins d'Information de 6 feuillets chacuns 21/27 6 stencils.

19 : 2000 Tracts 27 août, petit format

20 : 2000 Tracts ''L'heure du grand combat'' 21/27

21 : 1000 Tracts C.G.T. 21/12-1/2

22 : 1000 Tracts 27 août 44 - 21/12-1/2 recto-verso

23 au 30 : Impression 150 brassards F.F.I. et plusieurs déplacements pour l'obtention de la presse à imprimer

31 : 180 Ordres de mission

Ce mois, malgré un arrêt de 7 jours dans le travail au duplicateur, j'ai largement dépassé mes chiffres de tirages précédements. Mes précédents records étaient 23,600 et 23,900. Ce mois 29,950 soit une moyenne de 1,000 tirages par jour, sans compter les frappes de stencils. "N'abuse pas trop car, sans me plaindre, je suis claqué" " Le T".

Nota bene 12 - Grève des armes (Invitation aux soldats allemands à cesser le combat).

Nota bene 13 - Le Technique et son atelier ont dû fuir précipitamment Dijon pour s'installer au bord de la Saône

Nota bene 14 - D.L. : Comité Départemental de Libération.

Nota bene 15 - Joumée de Solidarité avec Les Francs-Tireurs et Partisans ( T.P.).

Nota bene 16 - Au début du rapport, il est noté 29,550...

Nota bene 17 - Cette dernière phrase est biffée - "N'abusez pas trop car, sans me plaindre, je suis claqué" " Le T".- Pudeur de R. Fagard qui a renoncé à se plaindre ?

Nota bene 18 - Dans un éditorial publié à cette date, Emile Gauthrin demande avec véhémence la répression de la propagande communiste payée par les juifs : elle ose s'en prendre à Pierre Laval...

VII - La Répression 

Quels risques encouraient les Résistants plongés dans ce type d'action ? Que se passait-il lorsque l'un d'eux était arrêté ?  La lecture attentive du document 65 laisse entendre que, même pratiqués par la Police de Vichy, les interrogatoires étaient brutaux... La suite logique de l'arrestation était soit le Camp de Concentration hitlérien soit la fusillade (comme otage - voir document 31 - ou à la suite d'une condamnation pour délit de propagande).

Comment était organisée la répression ? Polices allemandes et, pour obéir aux ordres de Vichy, polices et gendarmerie françaises pourchassent d'ailleurs, les Résistants, quelle que soit leur activité. Ce qui n'exclut pas que des policiers et des gendarmes français, indivi­duellement, aient ''fermé les yeux'' ou même participé à la Résistance.

Et les délateurs ne sont pas inactifs...

Document 62 : Circulaire préfectorale ; l'enveloppe portant l'adresse manus­crite du destinataire permettra, peut-être, d'identifier et de confondre l'expéditeur clandestin.

Document 63 : Découverte de tracts dans les rues de Dijon : rapport du Commissaire Central et exemplaire du tract découvert. ''M. Mayer, 9, rue Docteur Chaussier'', Dijon sera avisé par une copie du rapport : c'est la Gestapo.

Document 64 : Découverte de tracts rédigés en allemand et exemplaire de tract.

Document 65 : La presse de la collaboration se rejouit : article extrait de ''Le Progrès de la Cote d'Or'' du 3 octobre 1940. La note de la Rédaction (N.D.L.R.), à la fin de l'article, composée dans une typographie différente, laisse supposer que ce qui précède émane vraisemblablement des services de police eux-mêmes... Remarquons que les ''légitimes impa­tiences qui se faisaient jour'' n'émanaient pas du ''public insuffisamment ou inexactement renseigné'' qui comprenait mal la ''besogne ingrate et difficile'' de la police. Qui s'impatientait ? Le Préfet ? Les occupants ? En tout cas, ''Le Progrès de la Cote d'Or'' prend date : dés le 28 septembre 1940, ii avait demandé une ''action active et répressive'' (sic)

VIII - Conclusion

Ce dossier est certes incomplet : de nombreuses publications ont dû être laissées de côté ce qui ne diminue en rien leur importance. Encore une fois, la consultation du ''Catalogue des périodiques clandestins'' permettra de prendre conscience du foisonnement des seuls périodiques : il n'était pas possible de citer toute la production clandestine de cette époque encore moins de reproduire des exemplaires de chaque publication.

Il s'agissait simplement de présenter quelques aspects d'une activité de la Résistance et d'évoquer les conditions difficiles que rencontrèrent ceux qui animèrent ce type de lutte contre l'occupant hitlérien.

Centre National de documentation pédagogique de Dijon - Dépot légal : 4ème trimestre 1986


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