Voici quelques lignes écrites de la main de mon grand-père, décédé dans la nuit du 11 mars 2005...

LEFEVRE Jean-René pseudonyme FFI : Belle Gambette

Né le 16 Décembre 1919 à Toulon (Var)

Engagé Volontaire pour une période de trois ans en juin 1939 au titre du deuxième Régiment d'Artillerie Coloniale de Nimes (Gard).

Démobilisé le 26 avril 1941 à Lyon Vitriolerie - Réformé temporaire n°2, ne voulant pas servir dans l'armée d'Armistice.

En 1942, j'ai repris mon travail de cycliste d'administration au sein du journal "Paris-Soir" replié à Lyon zone libre, pour lequel je travaillais avant mon engagement dans l'armée. Dés ma reprise, je fus détaché au service de Mademoiselle Renée Lavaud, qui dirigeait une officine de faux papiers et de renseignements. De nombreux juifs, prisonniers évadés et autres trouvèrent asile chez Mademoiselle Lavaud pour obtenir de faux papiers, cartes d'identité, cartes d'alimentation et des contacts sûrs pour être hébergés. J'avais la responsabilité de faire signer les cartes d'identité au commissariat de la Part-Dieu par le commissaire de police Niquet et les cartes d'alimentation et les tickets de rationnement à la Mairie du 3ème arrondissement de Lyon auprès de Mademoiselle Dumont. Grâce à ma belle-mère, Madame Bougeot, qui occupait un poste à responsabilité au Ministère du Travail à l'office de la main d'oeuvre, nous avons sauvé de jeunes appelés au S.T.O en leur évitant de partir travailler en Allemagne. J'étais en contact permanent avec le capitaine Maxime Stemetz (Pseudo "Baron Louis"), responsable de la région Rhône-Alpes concernant les finances. A la suite de l'arrestation de l'un de ses contacts, Baron Louis était grillé à lyon et avait la Gestapo aux trousses. Je lui ai donné les papiers d'identité de mon beau-père décédé. Nous l'avons, ma belle-mère, ma femme et moi, hébergés le temps de lui faire un jeu complet de faux papiers. Je l'ai ensuite, mis en relation avec un entrepreneur de maçonnerie (Feverchon), un résistant pour qu'il puisse obtenir un certificat de travail, lui permettant ainsi de voyager pour les besoins de la résistance. Agent de liaison au service d'Henry Jaboulay (Pseudo "Belle Roche"), un des responsables de la région Rhône-Alpes, ami de Philippe Boegner, fils du pasteur Boegner et Sécretaire Général de Paris Zone Libre. Mes missions consistaient à transmettre ordres et courriers du Colonel Romans Petit à destination des camps de résistants des maquis de l'Ain et du Plateau du Jura. J'utilisais pour ce faire des papiers d'ouvrier agricole et me déplaçais uniquement en bicyclette et connu des maquisards sous le pseudo de "Belle gambette". J'ai également véhiculé le résistant Henri Jaboulay pour plusieurs missions avec les voitures du journal de Paris Soir. Une des plus belles réussites fût, sans aucun doute le défilé du 11 novembre 1943 à Oyonnax. Monsieur Prouvost, patron de Paris Soir, était parfaitement au courant de l'utilisation des véhicules du journal pour des actes de résistance.

En 1943, Madame Lucette Carron, journaliste à Paris Soir, agent du réseau F2 me présentait au lieutenant colonel Bourdin-Richard, chef du réseau F2 pour le sud-Est. Agent de liaison, mes missions consistaient à trouver des emplacements pour émettre, organiser la sécurité dans la région lyonnaise, recruter des radios et photographes parmi les résistants de la région. Je fus également en charge des enquêtes concernant les nouveaux agents du réseau et des jeunes S.T.O qui préféraient prendre le maquis. Tout cela afin d'éviter l'infiltration de la milice et de la gestapo dans notre réseau de résistance. Toutes ces enquêtes et renseignements ont pu être collectés grâce à la police et plus particulièrement au commissaire Niquet.

J'ai aussi été ammené en 1943, à prendre contact avec André Jacquelin (Pseudo "Josserand") fondateur du journal clandestin "Bir-Hakeim" pour m'occuper de sa diffusion sur la région Lyonnaise et sur Paris. Je l'ai d'ailleurs à deux reprises convoyé avec la "Voix du Maquis". Le journal était imprimé à Bourg en Bresse, dans une petite imprimerie de la rue Littré [Nom de l'imprimerie - Imprimeur Michallat]. Les journaux étaient livrés par paquet de 100 exemplaires par un laitier dans des bidons de Bourg en Bresse au 03 rue Etienne Richerand à Lyon. Nous les conditionnions ensuite par paquets de 500 exemplaires dans des sacs postaux pour laisser supposer à du courrier quotidien, dont le service à cette époque était souvent assuré par des cars étant donné les difficultés ferrovières. Un de mes contacts était receveur des PTT au bureau de la place des terreaux Max Thannebergher. Je diffusais "Bir-Hakeim" dans les milieux de la presse, chez Hachette, dans les mairies et les commissariats de Police.

Au début de l'hiver 1943, nous avons livré pour les maquis de la région d'Ambert (Puy de Dôme) des pantalons et des vêtements chauds avec le camion de St Gazogène, conduit par Aurus, un résistant de Paris Soir avec la complicité de Monsieur Prouvost et son argent !

Le 31 Décembre 1943 - Depuis le sabordage du "Progrès" de Lyon, un seul quotidien lyonnais subsistait "Le Nouvelliste". En raison de son caractère aggresivement collaborateur, la résistance l'avait désigné pour être le jouet et la victime d'une fantastique opération de propagande à la gloire de la résistance française et de ses maquis. Un faux Nouvelliste a été vendu à la place de l'original dans les rues de Lyon, les articles étaient à la gloire de la résistance française, des maquis et des armées alliées.

C'est Pierre Seize, journaliste de Paris Soir qui a écrit les articles, c'est Amy Bellot qui a fait la mise en page et ainsi le 31 décembre 1943, sous la responsabilité de Philippe Boegner, de Maurice Aimé et sous la direction de Henri Jaboulay chef de l'A.S. de la région Rhône-Alpes entre 6 et 7 heures du matin que quatre camionettes de Paris Soir ont retiré des kiosques et des maisons de presse la véritable édition du Nouvelliste sous prétexte de ré-édition pour censure d'article. Le succès fut total, à 11 heures la milice est intervenu, mais les kiosques ont été dévalisés !

Février 1944 - en mission dans le secteur de Bellegarde, sous les ordres du Lieutenant Bovagnes, celui-ci a été tué au cours d'une embuscade sur la voie ferrée de Seyssel. Suite à son décés, j'ai effectué plusieurs missions avec les camps de maquisards du plateau du Retord, sous les ordres du Docteur Vullard, chef du sous-secteur. La résistance m'envoya, également à cette période à plusieurs reprises dans le Sud-Est. Grillé à Lyon suite à une dénonciation de mon appartenance à la résistance, je mis ma famille à l'abri et, rejoignis le maquis où je fus versé au service "sécurité".

A la libération de Lyon, versé à l'Etat Major de la Prévôté FFI au grade de Sergent-chef sous les ordres du commandant Claeys, responsable du maquis "le Coq Enchaîné", du lieutenant colonel Mary, du capitaine Michel Dequaire, du capitaine Thorelle et du commandant Raphène, nous avons participé à de nombreuses arrestations de miliciens, de collaborateurs et de membres de la police allemande. Le commandant Raphène était le chef de bataillon des services du contrôle des rapatriements de C.P.A.F. de la XIVème région militaire pour le criblage des prisonniers et déportés. Sous ses ordres et, avec le peu de documents dont nous disposions, nous avons pu détecter les faux prisonniers et les faux déportés qui rentraient en france avec des papiers subtilisés à des morts.

Par la suite, j'ai eu le choix de rester dans l'armée ou dans la gendarmerie. J'ai préféré la démobilisation le 1er juin 1945 et, de retour à Paris, avec l'aide de Philippe Boegner, je repris mes activités dans la Presse.

La période de ces quatres années que nous avons passée, a laissé des traces profondes...